Naomi Wu, trop sexy pour la science !
« Les femmes sont nulles en sciences », entend-on parfois. Il suffit en plus que vous soyez jolie pour qu’on vous taxe carrément de poupée sans cervelle, comme si l’intelligence des femmes était inversement proportionnelle à leur beauté. Un stéréotype d’un autre âge dont a été victime Naomi Wu, makeuse chinoise qui a fait les frais de violentes attaques sexistes. Savez-vous ce qu’est un « maker » ? Les makers forment une communauté de personnes intéressées par le Do It Yourself, généralement douées en sciences et/ou en informatique. Leur activité favorite consiste à fabriquer toutes sortes d’objets à partir des matériaux qu’ils ont à disposition. Leur mot d’ordre : beaucoup d’imagination et de débrouillardise.
Obligée de travailler sous un pseudonyme masculin pour être crédible
Naomi Wu, plus connue sous le nom de « SexyCyborg », est originaire de Shenzhen (Chine) et a conçu des objets plus fous les uns que les autres pour essayer « d’encourager d’autres femmes à poursuivre des carrières dans les sciences et technologies ». Parmi ses inventions, on trouve des chaussures à talons avec un dispositif de surveillance intégré, un robot lance-flammes, une mini-jupe à LED ou encore un ordinateur déguisé en palette de maquillage. Pour gagner sa vie, Naomi Wu est développeuse web. Elle est obligée de travailler sous un pseudonyme masculin pour être crédible et éviter les discriminations, encore très présentes dans le milieu de la tech.
C’est bien connu, être douée en sciences, inventive et jolie, c’est trop pour une seule femme
Pour elle, « la tech n’est pas seulement destinée aux stéréotypes de la fille geek ou du diplômé en informatique ». Elle est souvent court vêtue, porte des bottes à plateformes et exhibe fièrement sa poitrine siliconée. Un look qui ne colle pas avec l’image classique de la fille intelligente et qui lui a attiré les foudres de la communauté des makers, « réservée aux privilégiés, blancs de préférence, avec une éducation occidentale ». Elle a été exclue de l’un des événements les plus importants de la communauté, la Maker Faire, qui s’est déroulée à Shenzhen (sa ville natale, rappelons-le) en octobre 2016. Mais l’histoire ne s’est pas arrêtée là. Dale Dougherty, fondateur et président de Make Media, l’entreprise organisatrice de la Maker Faire, a posté un tweet remettant en cause l’identité de Naomi Wu : « Je me demande qui elle est vraiment. Naomi est un personnage, pas une vraie personne. Elle cache plusieurs individus ». C’est bien connu, être douée en sciences, inventive et jolie, c’est trop pour une seule femme. Dale Dougherty était convaincu que Naomi n’était qu’une simple couverture, une mascotte publicitaire dissimulant les réalisations d’un homme blanc.
Naomi est ce qu’elle dit qu’elle est
Son tweet (supprimé depuis) a déclenché une tempête sur les réseaux sociaux. Il a dû faire machine arrière et a fini par s’excuser publiquement : « J’ai fait quelque chose de vraiment stupide ». Il a expliqué que son accusation était le reflet de « biais inconscients », et que « l’impact négatif de mes tweets a été amplifié par le fait que moi, blanc, Occidental, PDG masculin d’une grande entreprise de la communauté maker, ai publiquement remis en question une jeune makeuse Chinoise ». Il a confirmé ensuite que « Naomi est ce qu’elle dit qu’elle est ». Pour se faire pardonner, il a proposé à la jeune femme de faire la couverture de Make Magazine, l’a invitée à la prochaine Maker Faire aux Etats-Unis et l’a aidée à obtenir son visa, a lancé un audit de diversité dans son entreprise et a créé un comité pour s’assurer que tous les événements soient représentatifs de la communauté maker.
Il fallait au moins ça pour compenser l’avalanche de haine qu’a subie Naomi Wu. Il n’y a plus qu’à espérer que ce malheureux événement lui permette d’obtenir la visibilité qu’elle mérite !
Sources :
http://www.makery.info/en/2017/11/21/nouvelles-excuses-du-patron-de-make-a-sexy-cyborg/
https://makezine.com/2017/11/06/open-note-to-naomi-wu/
https://makezine.com/2017/11/19/apology-to-naomi-wu/
Par Marie-Lou Dulac
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